Gastronomie à bord du Canadien

Assise seule dans ma petite cabine, laptop sur les cuisses et luttant contre le sommeil, j’entends des pas rapides dans le couloir. Une employée de Via Rail interpèle les passagers tout en circulant dans le wagon:

« Deuxième service! Le deuxième service pour le souper vient de commencer! »

Déjà!
L’appel est irrésistible, même s’il me semble qu’on vient juste de terminer le dîner.

Quand j’en fais la remarque à notre serveuse, un sourire patient marque ses lèvres: « On nous fait toujours ce commentaire. » Alors qu’elle retourne vers la cuisine, j’admire ses talents d’équilibriste. La voiture-restaurant est animée par le mouvement du train sur les rails et par le bruit des tasses à café qui sautillent sur leur soucoupe. Cling! Clac! Cling! Impassible, la serveuse balance des assiettes sur ses avant-bras comme si elle travaillait sur la plus stable des plateformes. Il faut dire que ces gens là passent une bonne partie de leur vie (et de leurs nuits!) à  bord du train. Les employés semblent d’ailleurs pour la plupart très attachés à leur travail. Nous avons fait la rencontre d’un responsable de voiture-restaurant qui prendra sa retraite l’an prochain après 35 ans de service sur le train!

Après la beauté des paysages, les repas sont la deuxième plus grande attraction sur Le Canadien de Via Rail. La nourriture offerte aux passagers sur ce mythique parcours entre Toronto et Vancouver avait déjà  bonne réputation, mais le menu n’avait pas changé depuis longtemps. Donner un coup de jeunesse à la carte, ce fut la responsabilité de Martin Gemme. Comptant à son actif des expériences très variées dans des cuisines de Montréal et du Grand Nord, Martin est en charge de la planification des services (nourriture, boisson, divertissement, interaction avec le personnel) sur les trains longs parcours de Via Rail.

Canard
Mon plat préféré du voyage : du canard bien apprêté!

La tâche n’était pas simple: son équipe compte environ 80 chefs et 60 assistants en cuisine. Cuisiner à bord d’un train représente un défi très particulier : l’espace est restreint (assez pour un chef et un assistant), le mouvement est constant et parfois brusque (il y a des rampes vissées au comptoir et on oublie la friteuse!), l’approvisionnement doit être renouvelé en route et les journées sont TRÈS longues (le chef doit préparer le déjeuner, dîner, souper et passer ses nuits à bord du train). Les équipes sont basée à  Montréal, Toronto, Winnipeg et Vancouver. Pendant un parcours de quatre jours comme le nôtre, l’équipage du train change à Winnipeg, de sorte que les cuisiniers et serveurs que nous avons rencontrés dans les deux premiers jours ont fait place à une nouvelle équipe pour le reste du voyage. Pas facile donc de s’assurer de la constance au niveau de la qualité et de la fraîcheur!

Devant un défi de taille, rien de mieux que le travail d’équipe! En décembre 2011, Martin s’est réuni avec huit de ses chefs. Pendant deux jours, ils ont fait des expérimentations en cuisine et ont concoctés 78 plats. C’était le Défi Création Menu de Via Rail, un atelier de travail qui a donné naissance à un tout nouveau menu. Martin qualifie le résultat de « cuisine canadienne contemporaine inspirée des régions que l’on traverse ».

Ce menu était offert à bord du train depuis deux semaines seulement quand les blogueurs et moi avons pris place à bord. Martin nous a accompagnés pour l’aller de Toronto àVancouver. Il a été bien patient avec nous, répondant à toutes nos questions et sollicitant nos commentaires (en grande majorité très positifs) sur les plats que nous avions choisis. Ils nous a fait visiter la cuisine (rapidement, car ils sont toujours en mode production!) et nous a guidés lors d’une dégustation des vins canadiens qui sont servis à bord. Les passagers en classe Voiture-lits Plus ont trois repas par jour inclus dans le prix de leur billet. L’alcool est vendu séparément (autour de 9$ du verre).

La voiture-restaurant peut accueillir une quarantaine de convives à la fois, en table de quatre. L’atmosphère est décontractée et le service l’est tout autant. Selon le nombre de passagers, il y a deux ou trois services pour le dîner et le souper. On vous assigne un service la veille avec un ticket de réservation. Pour le déjeuner, c’est premier arrivé, premier servi. Vous voyagez en solo? Pas question de manger seul. On vous désignera une table que vous aurez à partager avec d’autres passagers.

Il faut donc être ouvert aux rencontres! J’ai eu des échanges intéressants avec des gens de partout dans le monde : des retraités canadiens (oui, il y en a beaucoup), des fermiers de Pennsylvanie qui gardaient des moutons pour couper leur gazon, un couple québécois et leur charmante pré-ado qui prenaient quelques semaines de vacances dans l’ouest, un informaticien qui arrivait d’un mois en Colombie-Britannique où il a essayé de vendre une propriété dont il venait d’hériter au milieu de nulle part, une organisatrice d’événements spéciaux dans la vingtaine sur le bord du burn out (mais qui ne se privait pas pour faire la fête), une très jolie adolescente allemande travaillant comme au pair dans une famille de Trois-Rivières, plusieurs membres de la famille des employés de Via (profitant des rabais?), et un jeune homme aux yeux très bleus et à l’accent mystérieux qui parlait peu et qui évitait de préciser quel genre « d’affaires » il menait au Canada (je soupçonne que c’était un espion).

Bien manger, c’est toujours agréable. Mais bien manger avec des paysages constamment renouvelés à sa fenêtre? C’est vraiment toute une expérience à vivre. Malgré le manque de sommeil, mon enthousiasme refaisait toujours surface au moment des repas. Oui, je sais, qui dort dîne. Mais sur le train, c’est l’inverse. Qui dîne aussi bien peut supporter de dormir un peu moins!

Pour avoir une idée encore plus complète de l’expérience, je vous suggère de lire les billets rédigés par les quatre autres blogueurs à  bord du train: Valerie, Mayssam, Dustin et Jean-François (dont on a très hâte de voir les photos).

By Martine

Screenwriter / scénariste-conceptrice

2 comments

  1. @Marie-Julie: Merci pour ton enthousiasme! Faudrait qu’on m’invite à partir plus souvent ;)

    Je pense que l’espion était allemand ou tchèque mais Jean-François croyait qu’il était grec. (On sait tous que la Grèce est un grand fournisseur d’espions internationaux.)

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