« Un article, un reportage pourrait peut-�tre �mouvoir l’opinion publique et influencer son gouvernement, qui en parlerait � un autre, se disait-il en passant devant le Kigali Night dans lequel s’engouffraient en criant des paras fran�ais. « Quel idiot je suis! Il faut dix mille morts africaines pour faire sourciller un Blanc, m�me s’il est progressiste. Dix mille, ce n’est m�me pas assez. Et puis ce ne sont pas de belles morts. Elles font honte � l’humanit�. On ne montre pas les cadavres d�pec�s par les hommes et d�chiquet�s par les charognards et les chiens sauvages. Mais les tristes victimes de la s�cheresse, les petits ventres ballonn�s, les yeux plus grands que la t�l�, les enfants tragiques de la famine et des �l�ments, ceux-l� �meuvent. Et les comit�s se forment, et les humanitaires s’agitent et se mobilisent. Les dons affluent. Les enfants riches, encourag�s par leurs parents, cassent leur tirelire. Les gouvernements, sentant souffler un vent chaud de solidarit� populaire, se bousculent au portillon de l’aide humanitaire. Mais quand ce sont des hommes comme nous qui tuent d’autres hommes comme nous et qu’ils le font brutalement, avec les moyens du bord, on se voile la face. Et quand ce sont des hommes inutiles, comme ceux d’ici… »
Extrait de Un dimanche � la piscine � Kigali, par Gil Courtemanche.