Journalisme, technologie et terrorisme: une histoire d’amour et de haine
De 1994 � 1998, j’ai travaill� pour le magazine am�ricain PC World, � San Francisco. En tant que charg�e de projets multim�dias, une de mes t�ches �tait de coordonner la production de notre �mission de radio quotidienne, nomm�e PC World NewsRadio. Cette courte �mission de nouvelles technos �tait r�alis�e par un journaliste pigiste du nom de Brian McWilliams, avec qui je parlais r�guli�rement et que je c�toyais parfois dans les tradeshows (il faisait du t�l�travail � partir de la c�te est). J’admirais le travail de journaliste de Brian qui �tait un gars efficace, amical, qui s’y connaissait beaucoup en mati�re de nouvelles technologies et qui �tait tr�s professionnel. Gr�ce � ses bons conseils, j’ai m�me pu remplacer Brian � la radio, quand il devait s’absenter. (Mon accent me valait toujours une s�rie de courriels de la part de m�les am�ricains tr�s tr�s curieux…) La production radio a cess� chez PC World mais Brian est rest� pigiste et je tombe parfois sur ses �crits dans Wired News ou ailleurs sur le Web.
Aujourd’hui, Brian McWilliams se retrouve au centre d’une controverse journalistique qui semble salir sa r�putation, et j’en suis � la fois �tonn�e et d�sol�e. Brian est � l’origine de ce qu’on appelle un « hoax », ou canular, qui a coinc� un journaliste technologique de grande r�putation aux �tats-Unis. Je vous conseille de lire l’histoire plus en d�tails, mais pour tenter de r�sumer, Brian s’est fait passer, � la fois par courriel et gr�ce � un site Web, pour le porte-parole d’une organisation terroriste qui r�clamait la paternit� du ver Slammer qui a caus� quelques interruptions sur le Web r�cemment. Le journaliste de Computerworld, avec qui il �changeait par courriel, n’a pas v�rifi� en d�tails l’origine du site Web en question et a publi� l’histoire dans son magazine, histoire � propos de laquelle il a d� se r�tracter plus tard. Les deux journalistes, l’arroseur et l’arros�, expliquent maintenant leur version des faits sur leur tribune respective.
Je n’aime pas le ton moral, vindicatif et sup�rieur que se donne le journaliste de Computerworld dans son texte. Je n’aime pas le ton de la presse en g�n�ral au sujet de cette histoire. J’ai l’impression que les journalistes penchent du c�t� de l’arros� parce qu’ils savent que �a aurait pu �tre eux, l’humili�, le coinc� qui a l’air de ne pas avoir fait ses devoirs. Je suis d��ue de voir qu’ils sont rapides � condamner Brian mais mettent beaucoup de temps � souligner cette vuln�rabilit� que nous avons tous face � l’information qu’ils nous offrent sur leurs diverses plates-formes. Bien que je sois un peu �tonn�e que Brian ait fait durer le canular aussi longtemps, je ne pense pas, au contraire de ce reporter qui est furieux de cette « enfreinte � l’�thique journalistique », que cet exercice fut compl�tement futile. La peur de la guerre et la soif du public pour ce sujet (du moins celle � laquelle on croit dans les salles de r�daction) font que nous sommes heureux d’avaler trop rapidement certaines histoires et c’est bon de nous le rappeler.
Cet exercice nous fait r�fl�chir: combien d’informations, parmi celles que nous lisons sur le Web et dans les journaux, ont �t� v�rifi�es � fond et que savons-nous, vraiment, apr�s avoir lu le journal et quelques sites Web le matin? Que comprenons-nous de conflits complexes alors que nous sommes fondamentalement mus par un r�flexe bien naturel de vouloir pointer du doigt quelques coupables, par une peur de la guerre et du terrorisme et par une ins�curit� constante face � une r�alit� qui d�passe le commun des mortels?
Je n’ai de toute �vidence pas de r�ponse, et c’est pour �a que mon blogue/carnet reste relativement silencieux par rapport � cette guerre imminente. Devant l’incompr�hension je ne plaide pas l’indiff�rence, non. Je n’ai tout simplement rien � ajouter � ce qui se dit d�j� et j’h�site � propager des informations dont je ne suis pas absolument certaine de la v�racit�. Et � une plus petite �chelle, parce que je crois que nous avons plus que jamais besoin de bons journalistes, j’esp�re que la carri�re de Brian McWilliams ne sera pas trop affect�e par cet incident.