� prendre ou � laisser
Ce n�est pas la premi�re fois que �a m�arrive. �a avait d�but� � San Francisco, quand, dans la rue o� j�habitais, une petite rue sans issue, je devais souvent sauter par dessus des bo�tes de carton, sous lesquelles dormaient des sans-abri, pour pouvoir me rendre jusqu�� mon scooter pour aller au travail. Et les skateboarders qui, d�s minuit, venaient envahir la cour d��cole juste � c�t� de chez moi. Ce que j�ai pu d�tester le bruit de ces roues sur l�asphalte, leur roulis r�p�titif qui ne s�interrompait que pendant une seconde, alors que la foutue planche � roulettes prenait l�air pour toucher le sol encore plus bruyamment! Et puis ma propri�taire venue s�installer en haut de chez moi, dont le fils, dealer, claquait la porte lors de ses all�es et venues � toute heure du jour ou de la nuit. J��tais sur les nerfs. Fatigu�e. J��touffais.
Un peu comme maintenant. Quand il commence � faire froid � Montr�al, tout se calme. Mais en �t�… Les fen�tres ouvertes pour pouvoir respirer un peu, je suis � la merci du voisin qui n�en finit plus avec ses r�novations, des gens qui sortent des bars sur Mont-Royal et qui reviennent vers leur auto en criant, de la poussi�re qui salit les pieds et se d�pose sur le bord des fen�tres. La semaine derni�re, apr�s avoir vu des seringues dans un espace vacant � c�t� de chez moi, j�ai d� pr�venir mes neveux venus me rendre visite et les surveiller nerveusement alors qu�ils jouaient dans un petit parc. La ville manque d�air et � nouveau, j��touffe.
Je suis pourtant une fille de la ville. Mes parents n�ont jamais �t� propri�taires et je n�ai jamais habit� dans une maison. Juste des appartements. J�ai grandi dans un quartier populaire avec un carr� d�asphalte comme terrain de jeu. L��t�, pour faire plaisir � ma m�re et sortir un peu du centre-ville, mon p�re louait ce que l�on pouvait difficilement appeler des chalets: parfois une petite maison laide en pleine banlieue, parfois un ancien motel reconverti, jamais trop loin de l�autoroute pour que papa puisse aller au travail en moins de 20 minutes. J�aimais rarement ces endroits o� l�on retrouvait souvent moins d�arbres que dans les parcs citadins et j�avais l�impression d��tre coup�e de mes amies, rest�es en ville.
J�aime sortir pour marcher le soir et voir d’autres gens se promener. J�aime que les librairies soient ouvertes jusqu�� tard en soir�e. J�aime pouvoir aller manger � 23h00 si j�en ai envie et avoir le choix entre plusieurs restaurants. J�aime ne pas avoir d�auto. J�aime choisir un film 30 minutes avant la repr�sentation et me rendre � pieds au cin�ma. J�aime la diversit� ethnique et culturelle. Mais je ne sais plus si j�aime la ville. L��tincelle est morte. Il n�y a plus de passion entre nous.
Je me surprends � r�ver d�une petite maison avec un terrain, des arbres, des oiseaux. Un endroit o� je pourrais faire jouer un cd � plein volume et danser sans craindre de d�ranger les voisins. Une maison o� je pourrais habiter pendant des ann�es et o� je pourrais me voir vieillir. Un endroit avec une personnalit�, une histoire. Mon histoire. Je me surprends � en r�ver, souvent, comme on r�ve d�un amant, le soir, alors que le sommeil tarde � venir, et le matin, quand la t�te est encore pleine de sommeil et qu�elle oublie la censure.
Je me demande s�il est temps de rompre avec la ville. Mais pour aller o�