C’est la journ�e du Thanksgiving aux �tats-Unis, une f�te aussi importante pour les am�ricains que la f�te de No�l. Mes amis californiens m’�crivent: « Happy Thanksgiving, Martine! I’m going to Sonoma for the long weekend ». Or « I’m going to spend 3 days in Mendocino ». « We’re celebrating. Come and join us! ».
Sonoma, Mendocino… Sans le savoir, ils me torturent � coups de r�ves. J’ai des souvenirs d’il y a 10 ans, quand notre groupe d’amis (souvent des �tudiants �trangers), tous loin de leur famille, d�cidaient de f�ter le Thanksgiving ensemble. Nous louions une des magnifiques propri�t�s de Sea Ranch sur la c�te nord de la Californie (les redwoods, les plages d�sertes, l’odeur de l’oc�an…) et allions passer du temps loin de la ville en compagnie de cette « chosen family », comme nous aimions bien le dire. Nous �tions jeunes, fauch�s, stress�s par rapport � notre futur mais encore un peu naifs et plein d’�nergie. Avec le temps la plupart de ces amis sont rentr�s chez eux. Maintenant nous sommes prof, monteur, cam�raman, ch�meurs, pigistes. Nous sommes loin.
Il me prend parfois des envie de repartir, pour la Californie ou ailleurs, m�me si je sais que je ne retrouverai jamais l’intensit� de cette vingtaine pass�e � l’�tranger. J’ai h�sit� avant de revenir vivre au Qu�bec parce que je savais qu’en vieillissant, il me serait difficile de redevenir mobile. Je savais qu’en revenant ici j’allais me faire des attaches, profondes, moi qui ai si besoin de stabilit� mais qui ne semble jamais la conna�tre v�ritablement.
Aurai-je l’occasion de vivre � l’�tranger � nouveau? Est-ce que j’arriverai � faire le choix de dire aurevoir � la famille, d’abandonner la maison, le chat, les amis, d’apprendre une nouvelle langue, de me refaire un cercle social? Ou est-ce que je ne conna�trai plus dor�navant de nouveaux lieux que par les voyages de courte dur�e?