Singeries de mai

Le th�me du moi de mai pour les singeries est : quand n��tiez-vous pas vous-m�me? �a pourrait �tre un moment pr�cis (ou une p�riode de votre vie) o� vous avez os� faire ce que vous croyiez �tre au-del� (ou en dessous) de vos capacit�s ou de votre caract�re. Une impulsion � laquelle vous avez ob�i sans savoir d’o� elle venait. �a pourrait aussi �tre une occasion ou vous avez pr�tendu �tre ce que vous n��tiez pas, au point o� vos proches ne savaient plus vous reconna�tre.

Voici 6 moments de ma vie o� je me suis surprise moi-m�me � �tre � autre �. Mais l�est-on jamais vraiment? Cache-t-on plut�t constamment qui on est? N�est-ce pas moi, cette fille qui ose, cette �l�ve coquine, cette t�te de cochon qui refuse de bouger?

1) Premi�re ann�e du primaire. S�ur Yolande, ma ma�tresse d’�cole, emm�ne sa classe rendre visite � la classe d’un autre professeur. S�ur Yolande est une femme autoritaire qui aime beaucoup les enfants mais qui leur fait un peu peur. Les profs de cette �cole se font concurrence pour la classe la plus disciplin�e, et nous avons �t� pr�venus qu�il faut bien nous comporter. Pas de probl�me pour moi : je suis une �tudiante mod�le, ayant tr�s tr�s peur de l’autorit�. La visite dans la classe de l’autre prof est termin�e et nous sommes en rang pour quitter les lieux. En passant pr�s du bureau du prof en question, je remarque une petite cloche, du genre de celles qu’on voit sur les comptoirs de restaurant, utilis�e quand la commande est pr�te. La tentation est forte et sans trop y penser, j’appuie doucement sur le bouton de la cloche et un gros PING r�sonne dans toute la classe. Tous les �l�ves s’arr�tent pour me regarder.

C’est la honte.

S�ur Yolande me tire par le bras pour me faire sortir de la classe. Je retiens mes larmes. « Qu’est-ce qui t’a pris? », qu’elle me demande. Je ne sais pas quoi lui r�pondre. Mon air piteux lui dit que je suis d�j� assez punie, mais elle continuera � me regarder d�un nouvel �il pendant le reste du trimestre.

Des ann�es et des ann�es plus tard, une camarade de classe, t�moin de la sc�ne, aime me rappeler l’incident � chacune de nos rares rencontres d�adulte. Elle �tait ravie et surprise � la fois d�avoir vu le chouchou enfreindre les r�gles. Quelle criminelle je fais!

2) M�me si ceux qui me connaissent bien disent ne pas avoir �t� surpris de mon geste, pour moi, le fait d�avoir quitt� mon lieu de naissance, ma famille, mes amies et mon chat pour partir vivre aux �tats-Unis, vers l’inconnu, me surprend encore. Dans mon milieu socio-�conomique, on ne quittait pas souvent son quartier, encore moins sa ville. Je me surprends aussi d’�tre revenue apr�s 8 ans, alors que je ne me sentais d�j� plus chez moi au Qu�bec.

3) � Je me marie dans 2 mois �, ai-je annonc� � ma famille et mes amies par t�l�phone, alors que je vivais en Californie. � Quoi? Toi? Tu te maries! Mais pourquoi? Est-ce qu’on doit venir? �

4) J’ai fait de la trottinette en plein trafic sur Times Square, � New York. J’�tais en visite � New York avec mon copain qui lui, assistait a une conf�rence. Les trottinettes venaient � peine d’arriver aux �tats-Unis et quelques New-yorkais se baladaient d�j� dans les rues avec ces machins qui me faisaient mourir d�envie. J’ai r�ussi � d�nicher la seule boutique de skateboard qui les vendait, je me suis achet� une trotinette et une paire d’espadrilles et vroum, je suis partie en promenade dans les petits sentiers de Central Park, jusqu’� en perdre la notion du temps.

Je me suis alors rendu compte que je devais rejoindre mon copain � l’h�tel et que j’allais �tre en retard. Habituellement timide sous le regard des autres (m�me celui des �trangers), me voil� qui zigzague entre pi�tons et trafic en plein Times Square. Mon copain qui me voit passer, trouve ma silhouette famili�re mais n’ose pas croire que cette dangereuse New-yorkaise puisse vraiment �tre moi.

J’ai utilis� la trottinette pendant quelques mois pour me rendre � mon travail � Radio-Canada (les regards dans l’ascenseur…) mais l’engin est maintenant sous le contr�le de mes neveux. Faudrait quand m�me pas que la vieille tante continue � s’humilier avec des jouets d’enfant.

5) �vitant habituellement la confrontation, � moins d’�tre vraiment pouss�e � bout, j’ai tenu t�te, sans aucune diplomatie, � une patronne qui voulait que je modifie un reportage que je venais de terminer et qui me plaisait beaucoup tel qu�il �tait. Elle avait la r�putation d’�tre un peu tyrannique et elle n’a pas appr�ci� du tout du tout… J’ai tenu mon bout alors elle a piqu� une col�re, lan�ant une cassette vid�o avec d�pit contre le mur.

Une coll�gue t�moin de la sc�ne fut surprise de voir que je m�obstinais � ce point. Ce n’�tait vraiment pas une bonne journ�e pour me tomber dessus…

6) Et puis la surprise r�cente pour mon entourage : � Toi? Tu d�m�nages en banlieue? Es-tu certaine que �a va? �

By Martine

Screenwriter / scénariste-conceptrice