Apr�s plusieurs mois de vie en banlieue, j’ai enfin rencontr� quelques-uns de mes voisins. Alors que j’arrachais les mauvaises herbes � l’avant de mon terrain ce matin (c’est m�ditatif), je me suis fait interpeller par monsieur D.: « Aye, mettez pas �a trop beau, vous allez me rendre jaloux! ».
Je l’ai salu� mais je me suis remise imm�diatement au travail. J’ai rencontr� monsieur D. pour la premi�re fois la semaine derni�re et j’ai �t� coinc�e dans une conversation d’une heure avec lui avant de pouvoir retourner � la maison.
Monsieur D. est la r�plique parfaite d’Elvis Gratton, mauvaise dentition et voix rauque � l’appui. Il a les m�mes traits et les m�mes expressions, sauf qu’il est un peu plus vieux et ne frise pas. Il a exactement le m�me accent que ce c�l�bre personnage, ce qui devrait ravir Laurent et Maciej, � qui je conseille d’am�liorer leur compr�hension du fran�ais parl� en regardant cet extrait vid�o. La ressemblance de monsieur D. avec Elvis Gratton m’a particuli�rement frapp�e quand il m’a dit qu’il part ce dimanche pour Daytona Beach. Il ne sait pas o� il va dormir par contre: le motel o� sa femme et lui logent tous les �t�s depuis 20 ans a �t� d�moli il y a quelques mois. « C’est d’valeur. On aimait �a. C’tait propre pis c’tait pas cher. »
Je continuais mon travail sur le terrain quand monsieur D. m’a interpell�e � nouveau, cette fois-ci arm� de 3 concombres. « Madame Morin, voulez-vous des concombres? » (Je ne sais pas du tout pourquoi il pense que mon nom est Morin. Je me suis rendue compte qu’il n’�coutait pas tr�s bien lors de notre « conversation » d’une heure la semaine derni�re…)
J’ai travers� la rue pour aller chercher le cadeau si gentiment offert. Je savais bien que je ne m’en tirerais pas sous les 30 minutes de conversation. « Ah, des p’tits concombres de jardin! Mes pr�f�r�s » « Oui, c’est bon en sacr� fils », me dit-il en me tendant les l�gumes comme de v�ritables petits phallus. « Regardez, ils ont m�me une petite goutte d’eau au bout, c’est pour vous dire comment y sont frais. »
Je suis rest�e debout de l’autre c�t� de sa cl�ture, ne sachant pas trop comment tenir mes concombres ruisselants de fra�cheur, � l’�couter me parler de son voyage en auto en Floride. « Daytona Beach », que je lui ai dit en tentant de masquer mon expression horrifi�e, « c’est pas l� qu’ils laissent les gens conduire leur auto sur la plage? ». « Oui c’est l�. C’tune superbe grande plage. Ben plus beau que la p’tite maudite plage de Miami qui vaut pas d’la marde. »
J’ai eu droit au r�cit de ses pr�c�dents voyages avec sa belle-m�re (« �tait fine c’te femme l�! »), avec un couple d’amis (« voyagez jamais avec des alcooliques! ») de m�me que la description du meilleur roast-beef au monde, � Daytona Beach, bien s�r (« meilleur que celui du Bifth�que »). J’ai fait quelques pas h�sitants vers mon terrain et il a fini par me laisser partir avec mes concombres. « Laissez-en un pour votre chum! » qu’il m’a dit en toussant sa 20i�me cigarette du matin.
Monsieur D. sera parti pendant 3 semaines. Je sens que je vais en profiter pour faire beaucoup de travail sur le terrain.