Du cinéma familial, rien que du cinéma familial

Quand il y a une bombe qui explose quelque part, on attend toujours l’appel du groupe qui va revendiquer l’attentat.

La bombe de cette semaine, celle qui a frappé le milieu de la culture au Canada, a eu droit elle aussi à son coup de fil revendicateur.

Au bout du fil, il y avait Charles McVety, un leader de la droite religieuse bien connu au Canada anglais. (Prenez le temps de regarder son entrevue avec George Stroumboulopoulos à l’émission The Hour). Monsieur McVety semblait ravi, comme le rapporte cet article du Globe and Mail:

A well-known evangelical crusader is claiming credit for the federal government’s move to deny tax credits to TV and film productions that contain graphic sex and violence or other offensive content.

Charles McVety, president of the Canada Family Action Coalition, said his lobbying efforts included discussions with Public Safety Minister Stockwell Day and Justice Minister Rob Nicholson, and « numerous » meetings with officials in the Prime Minister’s Office.

« We’re thankful that someone’s finally listening, » he said yesterday. « It’s fitting with conservative values, and I think that’s why Canadians voted for a Conservative government. »

Mr. McVety said films promoting homosexuality, graphic sex or violence should not receive tax dollars, and backbench Conservative MPs and cabinet ministers support his campaign. […]

« In my mind, sir, and in the minds of many of my colleagues and many, many Canadians, » said Mr. Batters during a Jan. 31 meeting of the Canadian Heritage committee, « the purpose of Telefilm is to help facilitate the making of films for mainstream Canadian society – films that Canadians can sit down and watch with their families in living rooms across this great country. »

La proposition en est à son 3ième tour au sénat, ce qui la rend tout près de devenir une loi. Le scénariste torontois Denis McGrath explique très bien les répercussions que pourraient avoir une telle loi. Il propose aussi quelques méthodes vous permettant de communiquer avec vos élus pour faire connaître votre opinion sur le sujet. Et pour les plus paresseux, il y a aussi deux groupes Facebook contestant cette proposition, en français et en anglais.

«C’est comme donner son bébé en adoption.»

Un article de Martin Bilodeau dans Le Devoir du 29 février explore une intéressante question:

Pourquoi le métier de scénariste est si mal reconnu dans le milieu du cinéma québécois?

Alors qu’approche la date finale d’inscription pour la nouvelle cohorte d’artisans de l’INIS (ce mercredi 5 mars), Ginette Petit, qui Å“uvre dans le milieu depuis 20 ans, se dit déçue de voir que le métier de scénariste est encore chez nous un métier de l’ombre. «Ç’a tout à voir avec l’histoire de notre cinéma, qui a débuté à l’ONF avec des cinéastes-auteurs.» Le cinéma direct, il est vrai, n’est pas né sur du papier. Sans renier cette importante page de notre histoire, le cinéma québécois a grandi, depuis, est sorti de l’adolescence, s’est industrialisé.

Mais les scénaristes qui commencent à émerger (on pense à Frédéric Ouellet, auteur de Grande Ourse et issu de l’INIS) avancent encore dans l’ombre des cinéastes. Une situation renversée par rapport à la télévision, où l’auteur est souverain, le réalisateur, une courroie de transmission. […]

Les six cinéastes finissants qui étaient présents la semaine dernière à l’activité organisée dans le cadre des Rendez-vous espèrent tous tourner leurs propres scénarios. Qui peut les blâmer? «La scénarisation est un travail ingrat parce qu’il n’a pas de finalité, soutient Ginette Petit. Il est remis entre les mains d’un réalisateur, qui va l’interpréter, et d’un monteur, qui va faire la même chose. Ça demande une grande part d’humilité, une grande maturité aussi.»

Danger! Danger!

Selon le Globe and Mail:

The Conservative government has drafted guidelines that would allow it to pull financial aid for any film or television show that it deems offensive or not in the public’s best interest – even if government agencies have invested in them.

The proposed changes to the Income Tax Act would allow the Heritage Minister to deny tax credits to projects deemed offensive, effectively killing the productions. Representatives from Heritage and the Department of Justice will determine which shows or films pass the test.

Ça, ça veut dire que si cette proposition passe, le gouvernement pourrait décider de ne pas accorder de crédits d’impôt à des films ou à des séries qui ont déjà été approuvées par Téléfilm Canada, si l’on juge que le contenu est offensant ou qu’il ne sert pas le meilleur intérêt du public.

Ouch.

Un film comme Borderline? Oubliez ça. C.R.A.Z.Y.? Qui sait? On y parle d’homosexualité et de drogue. Les Lavigueur? Y’a eu des scènes de fesses, alors hop, partis, les crédits d’impôt!

Eh oui! Votre gouvernement conservateur à l’Å“uvre, veillant au grain et s’assurant que votre argent ne soit pas dépensé dans des productions qui pourraient ébranler les âmes sensibles. On ne peut même pas dire que c’est de la censure puisque selon ces dirigeants, tous sont libres de faire les films et séries qu’ils veulent… mais sans financement gouvernemental, bien sûr.

Et on sait tous comme il est facile de faire un film ou une série télé au Canada sans argent du gouvernement.

Pour mieux comprendre le lourd impact d’une telle proposition, lisez l’article du Globe and Mail et le billet du blogueur et scénariste Denis McGrath. Il a intitulé son billet: The death of hope. Ça veut tout dire.

Mise à jour, 29 février, 10:00:
Plus de détails sur ce sujet et des réactions au Québec dans Le Devoir d’aujourd’hui.