Jour 3 à bord du Canadien

Écrire en train se révèle plus difficile que je ne le pensais. Premier obstacle tout simple que je n’avais pas prévu : il bouge vraiment beaucoup, ce train! Pas facile de taper au clavier ou même d’écrire à la main quand nos doigts sautillent. Même la lecture peut devenir fatigante avec les mouvements constants du train. Les cabines dans lesquelles on dort sont petites et les fauteuils auxquels les couchettes font place dans la journée ne sont pas munis de tablettes.

Cabine double
Fauteuils

Je me suis installée à quelques reprises dans le wagon d’activités, là  où il y a des tables. Avec des écouteurs, on peut arriver à  s’isoler pour travailler mais la tentation est forte d’entamer la conversation! (Le wagon s’est rempli quelques instants après que j’aie pris la photo.)

Wagon activités

Je fais partie d’un groupe de 6 personnes (5 blogueurs et un chef exécutif) invités par Via Rail à bord du train Le Canadien. Ils sont tous des maniaques de bouffe et de voyage qui adorent échanger sur les meilleurs restos, les plats préférés, les cafés à essayer, etc. Beaucoup de sujets de conversation en commun! Et puis, comme tous les scribes vous le diront, toutes les excuses sont bonnes pour ne pas écrire…

Blogueurs invités par Via

Nous avons aussi fait connaissance avec d’autres voyageurs, dont plusieurs Québécois et quelques familles avec des enfants (qui semblaient tous très bien se comporter malgré le fait qu’ils ne peuvent pas courir pendant 4 jours). Je suis étonnée de voir comme les journées passent vite et comme l’appel du travail est souvent inaudible! Et puis comme je n’arrive pas à dormir plus de deux heures d’affilée sans me réveiller, la fatigue se fait vite sentir. Dès que j’essaye de m’enfermer dans ma cabine pour travailler, le train me berce et le sommeil me gagne. Mes camarades m’ont aussi avoué faire de nombreuses siestes. C’est ça, le Canadien : on décroche du quotidien, on relaxe, on s’endort, on mange, on s’endort de nouveau, et on répète le tout le lendemain!

Et puis durant les heures d’éveil, qui veut détourner sa vue des paysages qui défilent à la fenêtre! Un défi particulièrement imposant m’attendait, côté diversion, pendant la 3ième journée du voyage : l’approche de la région de Jasper. Lors de notre passage à Edmonton au matin, le train s’est arrêté pour refaire le plein et pour installer le wagon panoramique qui allait nous permettre de mieux admirer le reste de la route. Quelle vue! De hautes montagnes à la pointe enneigée dominent des lacs d’un gris-vert profond. Le train s’engage dans des tunnels sombres et la beauté nous éblouit de nouveau à la sortie. Les conversations naissent spontanément, même entre ceux qui se sont montrés plus timides jusqu’ici. Une jeune femme voyageant seule a demandé à un vieux couple d’habitués du parcours : «Est-ce qu’on se lasse de voir ça?» «Jamais», a répondu la dame avec les yeux brillants en tournant son regard vers une montagne gigantesque. «On ne s’en lasse jamais.»

Wagon panoramique
Montagne
Lac et montagnes
Montagne et riviève
Toit et montagne

Annie Becker, une musicienne invitée à bord par Via pour distraire les passagers, a décidé d’offrir un petit concert impromptu dans le wagon panoramique. Un autre passager s’est joint à elle avec son instrument. Leur musique a servi de trame sonore à de bien belles scènes :

NB: La vidéo est disponible en plus grand format (HD) ici.

Le moment le plus magique est cependant arrivé un peu plus tard dans la soirée. On nous avait prévenus qu’on allait bientôt approcher Pyramids Falls (le personnel du train prévient souvent les voyageurs des points d’intérêt à surveiller). Le train offre le meilleur point de vue possible sur ces chutes autrement très difficiles d’accès, même pour les randonneurs les plus intrépides.

Pyramid Falls location

Un employé nous a gâté en ouvrant une fenêtre pour que nous puissions sentir toute « l’énergie» de la chute. Et quelle énergie! On pouvait voir la bruine dans l’air et entendre les grondements de la chute bien avant de passer devant. Je n’oublierai jamais l’odeur puissante de pin qui embaumait les lieux. Grisant!

Demain : l’arrivée à Vancouver… et la bouffe!

Sauter sur l’occasion

Mon mois de juillet s’annonçait relativement calme: les piges avaient ralenti leur rythme avec les clients partis en vacances, le scénario rédigé ce printemps était en attente d’une réponse pour le financement de la rédaction de la v2 (à l’automne) et je n’avais aucun voyage à l’horizon. Je prévoyais donc enfin me consacrer à la rédaction d’un scénario qui dort dans mon ordi depuis presque deux ans – le genre de projet personnel qui finit toujours par être relégué au second plan derrière les contrats qui « payent ».

Restait plus qu’à démarrer.

C’est facile ça, commencer, hein? C’est pas comme si les projets à développer, le Web, le jardin, les rénos à envisager, le chum pigiste qui travaille aussi à la maison et le chat qui veut que j’aille jouer dehors avec lui se disputaient mon attention.

Wow, avez-vous vu la vidéo du gars sur YouTube qui converse avec lui-même à l’âge de douze ans? Non? Oh…

Je disais quoi déjà?

Ah oui, je parlais de mon attention et de ma grande capacité à me concentrer.

Il y a dix jours, j’essayais de démarrer le scénario en question. Je suis donc allée faire un petit tour sur Facebook. Juste un p’tit tour, là. Pas longtemps.

C’est là que je suis tombée sur une proposition intéressante. Via Rail sollicitait la candidature de blogueurs passionnés de bouffe et de voyage pour faire la traversée du pays à bord du célèbre train Le Canadien. Les menus offerts pendant la randonnée venaient d’être entièrement revus par une équipe de chefs et on voulait les faire essayer par des blogueurs qui partageraient ensuite leurs impressions dans leurs réseaux.

Ma première réaction : miam! Check les assiettes!
Ma deuxième réaction : chanceux!
Ma troisième réaction : ça doit mauditement bien écrire en train…
Ma quatrième réaction : cou donc, je suis disponible, moi, et je trippe bouffe et voyages.
Ma cinquième réaction : j’envoie ma candidature par courriel!
Ma sixième réaction : ah ouin? Y’a pas le wifi sur ce train là? Yikes…
Ma septième réaction : de toute manière je ne serai pas choisie.

Le lendemain, j’apprends par courriel que ma candidature a été retenue. On m’offre de partir une semaine plus tard avec quatre autres blogueurs pour faire l’aller-retour Toronto-Vancouver.

Une folle! J’ai dit oui.

Voici donc ce qui m’attend :

-Quatre nuits à bord du Canadien.
-Une cabine privée avec couchette.
-Déjeuners, diners, soupers dans le train.
-Rencontre avec le chef/concepteur des menus, Martin Gemme, et dégustation de vins.
-Des arrêts à Winnipeg (4 heures), Edmonton (1h00) et Jasper (1h30).
-Deux nuits et trois jours à Vancouver. (Je n’y suis pas allée depuis un voyage-échange avec l’école secondaire dans les années 80. Paraît que ça a changé un p’tit peu.)
-Quatre autres nuits sur le train au retour.
-Encore beaucoup de bonne bouffe. (Le train a excellente réputation de ce côté.)
-Des billets de blogue, Facebook, Twitter et Instagram pour vous faire verdir d’envie et pour torturer mon chum qui ADORE les trains.
-Un premier jet de scénario?

Je connais plusieurs scénaristes qui s’enferment dans une chambre d’hôtel ou qui se louent un chalet (sans wifi) quand vient le temps de rédiger une première version de leur scénario. Ça sera la même chose pour moi, non? Sauf que ma chambre d’hôtel va bouger. Par la fenêtre, je vais voir des villages, des vaches et, éventuellement, de super belles montagnes. Et je vais beaucoup bien manger. La belle vie, comme dirait un chroniqueur qu’on ne va pas nommer.

La pro des reportages-voyage, Marie-Julie Gagnon, m’a prévenue de ne pas être trop ambitieuse, point de vue productivité. Elle a déjà fait l’excursion en 2010 sur Le Canadien et elle a adoré. Selon elle, on y fait de belles rencontres et ça devient très « social » (surtout qu’il n’y a pas le wifi). Bon. Ok. J’aurai donc besoin de me discipliner un peu même s’il n’y aura pas de wifi. (Sauf dans les gares. Dieu merci, on y aura accès dans les gares!)

Mais regardez comme je suis bien partie! Je viens de rédiger ce billet sur le train Montréal-Toronto, même si mon chum (qui m’accompagne jusqu’à TO parce qu’il y a un resto de pizza qu’il veut essayer) passe son temps à m’interrompre pour me donner des tonnes d’informations sur l’univers des trains. Il était tout excité tout à l’heure quand il a identifié sur la voie ferrée un genre de truc orange conçu exprès pour faire dérailler les trains en cas d’urgence. Qui a besoin du wifi quand on peut s’informer ainsi auprès de ses pairs?

(Bon, il vient de m’interrompre de nouveau pour me montrer une photo du dérailleur pour laquelle il vient de faire une recherche sur Google. On avait besoin du wifi après tout!)

On arrive à Toronto! Souhaitez-moi bonne chance avec mon projet et suivez-moi ici si le cœur vous en dit!

I have an idea for a movie

« So I hear that you used to write movies ».

I lifted my fingers from the keyboard.

« What was that? » the nurse said. « You got gas? » I’d quietly groaned because I knew what was coming: an idea for a movie. I’d heard them for most of my adult life: from cabdrivers, barbers, doctors, anyone who’s got you trapped for a while, like this dentist in Van Nuys who once tried to get me jazzed about writing a movie about the romance of dentistry, this as he was sharpening a #6 drill and with my mouth propped open as I stared with bulging eyes at the dental horror photos that were plastered all over the wall in front of me.

« Tell me, what’s your idea? » I asked the nurse miserably.

« Yeah, all I need is a writer to help me with the technical stuff, » I heard her say. I turned and faced her. She was standing with her arms akimbo.
« What technical stuff? » You mean the screenplay format? »
« No, the words, » she said.

I wanted to bury my forehead in my hand.

From the novel Crazy, by William Peter Blatty.