J�ai eu l�occasion cette semaine de parler de mes activit�s de blogueuse avec des gens du milieu du cin�ma et de la t�l� avec qui je travaille et � qui je n’avais jamais fait part de cet aspect de mon quotidien. Il faut pr�ciser que les gens de cette industrie sont incroyablement peu familiers avec le Web. Il est souvent tr�s complexe de communiquer avec eux par courrier �lectronique et les courriels qu’on leur envoie, si importants soient-ils, sont souvent ignor�s. Le t�l�phone r�gne encore en roi et ma�tre pour eux. Soit dit en passant, mon domaine professionnel n’est pas le seul dans sa lenteur � adopter les outils du Web.
La r�action des gens � qui j�ai parl� de mon blogue a �t� r�v�latrice. �Tu �cris �a depuis 4 ans?! � � Tu fr�quentes d�autres blogueurs? � � Tu donnes des entrevues sur le sujet? �. On m�a regard�e diff�remment pendant un moment, comme si on venait d�apprendre que malgr� mon air sain, j��tais atteinte d�une maladie s�rieuse mais sans sympt�me apparent. Puis on est vite pass� � autre chose, parce que les blogues, c�est une autre r�alit� et que ce n�est pas celle qui compte dans la vie de tous les jours� n�est-ce pas?
Ah, le choc des cultures! Il s�est pr�sent� de nouveau suite � un reportage sur les blogues diffus� � l��mission Le Point de Radio-Canada. Ironie des temps, j�ai tellement d�laiss� la t�l� comme source d�information que c�est par un blogue que j�ai appris ce matin l�existence de ce reportage. Plusieurs blogueurs sont d��us du traitement accord� au sujet par l��quipe de Radio-Canada. Personnellement, je crois que le reportage n��tait pas mauvais, m�me s�il s�est concentr� sur des aspects plus am�ricains et tape-�-l��il (vid�o, audio) du ph�nom�ne. J’ai certains doutes sur l’�tendue des connaissances de Michel Vastel � propos du monde des blogues politiques – du moins je ne suis pas d’accord avec ses affirmations sur l’�ge des blogueurs au Qu�bec. Je n�ai pas non plus appr�ci� la conclusion du reportage, cette question ouverte qui est vide et ridicule si on ne tente pas d�y r�pondre : � C�est �videmment un monde plus transparent. Mais est-ce n�cessairement un monde meilleur? � Hein?
Ce qui frappe toujours, apr�s ces reportages, ce sont les deux mondes qui semblent s�parer les journalistes des blogueurs. Je crois que c�est le choc de cette s�paration qui nous fait r�agir (nous = les blogueurs) avec autant de passion et une certaine virulence � chaque fois qu�un journaliste se permet de parler des blogues. � force de se parler entre initi�s, nous en oublions parfois que la majeure partie de la population fr�quente le Web � tr�s petites doses et n�a aucune id�e des r�seaux dans lesquels nous �voluons au quotidien.
Cette dichotomie est encore plus apparente chez les journalistes et chroniqueurs des m�dias traditionnels qui font le saut vers les blogues. Prenez Patrick Lagac� ou Jos�e Blanchette, par exemple. Leur lectorat Web semble principalement constitu� de gens peu familiers avec le Web et qui y sont attir�s pour la premi�re fois par leur chroniqueur pr�f�r� (ou d�test�!).
C�est l�oppos� qui se passe chez la plupart des blogueurs qui ne sont pas des �c�l�brit�s �. Mes lecteurs, par exemple, sont pour la plupart des blogueurs ou du moins des gens tr�s familiers avec le Web. Ils ont int�gr� un certain sens de la n�tiquette et des conversations int�ressantes et remplies d�informations suppl�mentaires se d�veloppent souvent en parall�le aux billets.
C�est rarement le cas sur les blogues des journalistes connus o� les lecteurs s�engueulent dans des conversations d�un niveau tellement primaire qu�on se croirait de retour dans la cour d’�cole. Cette ambiance chasse les blogueurs et autres internautes plus aguerris qui vont se r�fugier dans leurs cercles d�initi�s, l� o� il fait bon parler entre nous. Les blogues des journalistes de la t�l� et des grands quotidiens ne sont pas fr�quent�s par ceux qui pourraient y g�n�rer une valeur ajout�e, bas�e sur une v�ritable interactivit�. Cons�quence: les journalistes se lassent vite et/ou finissent par condamner le ph�nom�ne.
L�infatiguable Patrick Lagac� – qui n�est pas n�cessairement le plus familier des journalistes d�ici avec la blogosph�re mais qui a un excellent instinct pour la chose et qui blogue avec une fra�cheur qu�on a rarement vue chez ses confr�res – rapportait justement le probl�me sur son blogue cette semaine:
� �coutez, je suis journaliste, pas pr�fet de discipline, j’ai pas envie de jouer � l’arbitre ou � la ma�tresse d’�cole. Ce blogue est un succ�s, si j’en juge par la fr�quentation, par le nombre de commentaires. Mais si je veux que �a reste un succ�s, si je veux que d’autres blogueurs viennent fureter ici, si je veux �viter que les forums ne deviennent un freak-show o� on s’envoie promener, je vais devoir jouer un peu � la ma�tresse d’�cole. �
Patrick semble avoir bien compris qu�un blogue de journaliste qui �volue dans l�isolement du reste de la blogosph�re est destin� � une courte existence. Et il a selon moi tout � fait raison. Je ne sous-entends pas que les blogueurs aguerris devraient former un comit� de s�lection ou qu�ils devraient �tre les seuls � pouvoir juger de la qualit� d�un blogue. Je ne crois pas avoir cette attitude �litiste. Je dis simplement que la blogosph�re qu�b�coise est encore jeune et qu�elle a besoin de la stimulation et du soutien apport�s par les � early adopters � et/ou ceux qui en comprennent bien tout le potentiel.
Dans les deux derni�res ann�es, j�ai eu l�occasion de m�entretenir avec plusieurs journalistes et m�dias se demandant comment d�marrer un blogue. La suggestion la plus importante que je pouvais leur apporter �tait la suivante: Ne publiez pas votre blogue dans l�isolement du reste de la blogosph�re. Faites des hyperliens vers d�autres sites, en dehors de votre �diteur, de votre diffuseur ou de leurs sites affili�s. Allez lire les blogueurs qui ne sont pas m�diatis�s comme vous. Ne soyez pas avares de commentaires et participez aux conversations sur leurs blogues. Vous ne r�aliserez le plein potentiel des blogues qu�� partir du moment o� vous naviguerez vous aussi parmi tous ces r�seaux plut�t que de rester ma�tre de votre solitaire one-man show.