Bonheur, etc.

Diep et Jules (que je n’ai jamais rencontr�s mais qui m’ont l’air bien sympathiques), font un voyage de plusieurs mois en Asie: Chine, Tibet, N�pal, Inde, Tha�lande, Cambodge, Vietnam. Ils r�digent leur carnet sur la route, photos � l’appui. � voir, pour le r�ve et l’�vasion…

Et vous connaissez l’effet Lonely Planet? Voici un extrait du carnet Bonheur, etc :

Bangkok, 9 decembre 2003. Nous sommes all�s dans un resto r�put� avoir la meilleure soupe en ville. Sauf que le bui-bui, qui sert la soupe directement sur le trottoir, a augment� les prix par dix fois depuis qu’il est recommand� dans le guide Lonely Planet. Une soupe co�tait plus cher que la chambre d’h�tel! Tant pis pour la soupe! Il y a tellement de bons endroits!

Les uns contre les autres

La deuxi�me version du sc�nario sur lequel je travaille depuis un moment est entre les mains de la productrice depuis une dizaine de jours. Mis � part la conf�rence que je dois pr�parer pour janvier, mes journ�es sont principalement centr�es sur des activit�s domestiques. Je suis allergique aux bo�tes qui tra�nent pendant des mois apr�s le d�m�nagement et comme je m’appr�te � recevoir toute la famille (10 adultes, 3 enfants) pour le r�veillon, je trouve beaucoup � faire autour de la maison. Tous les matins je dis aurevoir � B. qui part prendre le bus pour aller au boulot et je me retrouve seule pour le reste de la journ�e. Pas �tonnant que le chat prenne de plus en plus de place dans mes billets!

Les heures passent, les t�ches se succ�dent et je me surprends � penser � ces femmes d’une autre �poque qui n’occupaient pas d’emploi et qui passaient la journ�e � la maison. Se sentaient-elles isol�es? Il est vrai que le cercle social tournant autour des enfants et de la famille agissait comme une pr�sence constante qui ne se laissait pas oublier. En faisant du repassage de rideaux hier (l’horreur!), il m’est revenu des images du film The Hours, quand le personnage jou� par Julianne Moore �touffe dans son r�le de m�re et de femme au foyer. Que de drames se sont v�cus sous les to�ts des petites r�sidences tranquilles de banlieue!

Je travaille chez moi depuis 2 ans environ et le fait d’�tre seule pendant le jour n’est pas nouveau pour moi. J’appr�cie la solitude. Elle m’est n�cessaire pour �crire, pour penser, pour pr�server mon �quilibre. Pourquoi alors ces images solitaires de femmes au foyer viennent-elles s’immiscer dans mes pens�es?

J’ai l’impression que l’isolement se vit assez diff�remment en ville qu’en banlieue. On peut �tre isol� en ville – de plus en plus de gens vivent en solo – mais l’entassement nous permet de l’oublier. La ville devient vite une compagne, son activit� constante tient lieu de pr�sence. Le bruit des autos et des voisins couvre le silence et vient faire conversation avec nos pens�es. � la longue, la ville ne se fait plus b�quille mais devient plut�t l’�paule d’un ami sur laquelle s’appuyer.

Un de mes auteurs pr�f�r�s d�crit merveilleusement et douloureusement bien ce rapport entre ville et solitude. Dans un livre d’essais intitul� Approaching Eye Level, l’auteure new yorkaise Vivian Gornick raconte:

The day is brilliant: asphalt glimmers, people knife through the crowd, buildings look cut out against a rare blue sky. The sidewalk is mobbed, the sound of traffic deafening. I walk slowly, and people hit against me. Within a mile my pace quickens, my eyes relax, my ears clear out. […] My shoulders straighten, my stride lengthens. The misery in my chest begins to dissolve out. The city is opening itself to me. I feel myself enfolded in the embrace of the crowded street, its heedless expressiveness the only invitation I need to not feel shut out. […] Nothing heals me of a sore and angry heart like a walk through the very city I often feel denying me. To see in the street the fifty different ways people struggle to remain human until the very last minute – the variety and inventiveness of survival technique – is to feel the pressure relieved, the overflow draining off. I join the anxiety. I share the condition. I feel in my nerve endings the common refusal to go under. Never am I less alone than alone in the crowded street. Alone, I imagine myself. Alone, I buy time. Me, and everyone I know. Me, and all the New York friends.

Vers quel auteur devrais-je me tourner pour trouver un texte �quivalent concernant la banlieue? Je ne peux penser qu’� John Updike mais sa perspective concerne davantage la solitude dans le couple et il est plut�t d�primant…