Le partenaire invisible
(Billet �crit dans le cadre de Blogue ta musique)
Alors que j��tais �tudiante en cin�ma, j�ai fait appel � deux musiciens pour composer la trame sonore de mon film. Je leur ai montr� le sc�nario de m�me que quelques images du film (toujours en montage), et je leur ai expliqu� clairement � du moins je le croyais � que je voulais une musique acoustique (piano et guitare) et que j�allais l�utiliser de mani�re tr�s discr�te dans le film. Mes musiciens, tout comme moi, avaient tr�s peu d�exp�rience en cin�ma.
Au bout de 2 ou 3 semaines, ils sont revenus me voir, tout fiers, avec une trame sonore qui m�a mis les larmes aux yeux, pour les mauvaises raisons : �La flute symbolise le personnage num�ro un�, dit le premier musicien. �Le synth� symbolise le personnage num�ro deux�, dit le deuxi�me gars. La musique �tait mi�vre, appuy�e, pseudo-romantique, bref, � des lieux de ce que j�avais demand� et esp�r�. Et je n�avais plus que deux semaines pour pouvoir terminer le film et le soumettre au grand concours organis� par l�universit�, qui pouvait d�terminer la carri�re d�un court-m�trage.
J�ai toujours �t� tr�s sensible � l�utilisation de la musique dans un film, mais je l�ai �t� encore davantage apr�s cet incident. La musique peut rendre un film moyen beaucoup plus int�ressant et m�me faire d�un tr�s bon film un chef-d�oeuvre. Mal utilis�e (ce qui est tr�s souvent le cas), elle peut aussi compl�tement g�cher un film. Je me rappelle d�un film de Spike Lee o� la musique (avec paroles) �tait pr�sente sans aucune raison, pendant tout le film, comme un poste radio allum� sur le plateau et que le preneur de son aurait oubli� d��teindre avant les prises. J�avais envie de crier ou du moins de sortir de la salle. Et m�me si j�ai appr�ci� The Hours et que j�aime habituellement les oeuvres de Philip Glass, la lourdeur de la musique – alors que les images et le sc�nario t�moignaient d�j� d�une lourdeur de vivre � et son omnipr�sence, m�ont agac�e au plus haut point. Je me sentais manipul�e � sentir plus, � pleurer davantage, alors que le film me touchait d�j� beaucoup.
Dans un livre g�nial sur l�art du montage que je recommande � tous les amateurs de cin�ma (The conversations, by Michael Ondaatje), le c�l�bre monteur de film Walter Murch explique : �Music seems to function best when it channels an emotion that has already been created out of the fabric of the story and the film�.
De nos jours, on con�oit la bande sonore comme un produit s�par�, dont le marketing pr�c�de parfois la sortie du film. C�est extr�mement regrettable et �a appauvrit le cin�ma en tant qu�art. Il y a des exceptions bien s�r : le tr�s beau film Frida int�gre parfaitement bien la musique, qui devient elle-m�me un personnage. Mais �a, �a pourrait �tre le sujet d�un billet entier!
Pour ce qui est de mon court-m�trage, mes deux musiciens, qui avaient quand m�me du talent, sont revenus me voir quelques jours avant la fin du montage avec une nouvelle musique qui me convenait davantage. J�ai rendu mon film � temps pour le concours de mon �cole. Il a remport� un prix et est parti en tourn�e � travers plusieurs festivals internationaux. La plupart de mes profs et camarades m�ont dit qu�ils avaient beaucoup appr�ci� la musique, que j�avais uniquement plac�e dans les sc�nes de transition et qui appuyait � peine le jeu des acteurs. Mes musiciens eux, ont �t� surpris du succ�s remport� par mon court-m�trage. Normal: ils �taient tr�s d��us de voir le peu d�utilisation que j�avais fait de leur grande oeuvre musicale. J’avais pourtant l’impression d’avoir accompli un petit miracle!
Bonne f�te de la musique � tous!
Note: Je vous invite � aller lire un autre carnetier sur un sujet semblable: la musique et la t�l�vision.