Bloguer: se diluer par l’écrit?

En février prochain, ça va faire 5 ans que j’écris sur ce blogue, à raison de plusieurs billets par semaine. La fréquence de mes écrits sur ni.vu.ni.connu et ma motivation à mettre ce blogue à jour vont par vague et ces jours-ci, je semble toucher un creu. Je ne m’en inquiète pas outre mesure; je sais que c’est arrivé par le passé et que c’est généralement de courte durée. Je suis bien consciente aussi que le projet professionnel sur lequel je travaille actuellement me préoccupe et me demande beaucoup d’énergie mentale. Disons que ça me coupe un peu l’inspiration pour tout le reste.

Je ne me suis jamais donné de but précis pour ni.vu.ni.connu. Je n’ai pas voulu m’imposer de thème, même si les blogues spécialisés semblent avoir plus de succès que ceux qui parlent d’une multitude de sujets. Je n’ai pas non plus voulu m’imposer un rythme de publication. La seule règle que je me donne, c’est d’écrire quand j’en ai envie. Si jamais le blogue devient une tâche plutôt qu’un plaisir, j’arrête.

L’exercice a débuté pour moi en tant que simple expérience en 2002, alors qu’on m’avait demandé d’écrire un article sur les blogues et que je voulais tester les outils disponibles. J’y ai pris goût rapidement, surtout pour la liberté d’écriture et la rapidité du feedback qui faisaient grandement contraste avec ce que je vivais dans ma carrière de pigiste. Même si ces plaisirs sont toujours là, je me questionne parfois sur les raisons profondes qui font que je continue encore après toutes ces années, sans intention véritable d’arrêter. Ce n’est pas un questionnement lourd qui m’obsède au quotidien, mais plutôt des questions qui flottent dans l’air et que j’attrape au passage, une fois de temps en temps.

Plusieurs personnes bloguent soit parce qu’elles ont envie d’intégrer l’écriture dans leur vie ou soit parce que l’écriture fait déjà partie de leur quotidien ou de leur travail. Plusieurs blogueurs d’expérience ont fait le calcul des mots dans leurs billets au cours des années et ont constaté que s’ils y avaient consacré la même énergie, le roman ou le scénario dont ils rêvent serait déjà écrit (et révisé plusieurs fois). Transformer ses billets en livre alors? Pas évident. La vraie nature du blogue – celui qui fait état non seulement du quotidien de son auteur mais qui partage aussi ses impressions de navigation sur le Web en offrant des hyperliens (d’où l’expression web log – c’est à dire carnet de bord du Web) – est du domaine de l’éphémère et supporte mal l’impression sur papier.

Alors qu’est-ce que le blogue, tout éphémère et spontané qu’il est, apporte véritablement à ceux qui ont des ambitions littéraires et artistiques? Réchauffe-t-il vraiment leurs muscles d’écrivain ou bien leur permet-il plutôt de remettre l’essentiel à plus tard?

La beauté du Web, c’est qu’on peut facilement y trouver des gens qui ont les mêmes questionnements que nous et qu’au lieu d’avoir à faire tout le processus de réflexion, on peut simplement pointer vers le travail des autres! Beth du blogue Cassandra pages est une auteure et blogueuse américaine installée depuis quelques années à Montréal. Elle vient de publier, en anglais, son cheminement personnel face à ces mêmes questions. Je me permets de reproduire un paragraphe de son dernier billet, ci-dessous, mais je vous invite à lire les trois billets qu’elle a consacrés au sujet. Son écriture est superbe et ses réflexions sont toujours profondes. Belle plume, belle personne. (Beth est aussi une amie.)

Blogging reminds me of being young, when I felt like I had all the time in the world and could therefore pursue every path in the forest, picking up every shiny object that attracted my attention. Blogging encourages that, and rewards it. I used to play the piano and the flute and sew and knit and paint and do calligraphy and make handmade books and garden and cook. It was only when I turned forty that I decided that time was up, and I had better focus on something if I wanted to end up with a body of work in any medium — which was, at the time, how I expressed the need I felt. Now I see that the process of writing creates a person, and that this is more valuable than a growing pile of manuscripts or even published works – but that is a spiritual topic best explored some other time. Nevertheless, choosing a craft and deciding to try to work on it, not to the total exclusion of the others, but with real focus, has been worth it for me. And while blogging has been an important part of that process, these persistent recent questions in my head have led me to wonder if blogging has become, for me, a way to divert myself within the medium of writing, much as I used to with all those other creative pursuits.

By Martine

Screenwriter / scénariste-conceptrice

10 comments

  1. J’ai le même genre de réflexion (quoique moins bien exprimées!). Si ce n’était que ça, la réponse me viendrait facilement, mais les échanges, le « contact » humain, tout virtuel qu’il soit, m’apporte suffisamment pour que je remette ces questions à plus tard. Il y a aussi que j’ai toujours beaucoup (trop) écrit. Avec le blogue, je peux me donner l’illusion que tout cela est lu, à un certain moment, par au moins une personne. Cela soulage l’adolescente en moi qui désespérait de trouver un public! LOL.

  2. « a way to divert myself within the medium of writing »
    J’aime beaucoup cette façon de voir la chose. J’ai commencé à bloguer quand j’ai changer de pays, et puis mon blogue deviens de moins en moins ce qu’il était sensé être à l’origine, c’est-à-dire un lien entre la France et moi. Ce genre de réflexions m’arrivent aussi, et je n’ai pas de réponse. Je ne sais plus pourquoi je blogue, mais tant que ce n’est pas une tâche …

  3. Can’t really comment on the post (I’m SO far behind on those French lessons) but it looks fascinating. Just wanted to say Hi and that I really like your new(er) clean and shiny blog look.

  4. Quelle performance !! 5 ans !! bravo à toi, et la qualité de tes billets ne se dément pas :)

    Les bloggues qui parlent de choses personnelles peuvent peut être plus facilement être portés sur papier …

    Mais je crois aussi que le blog c’est un moyen de faire partager, voir aussi de se débarasser des moments difficiles que l’on doit supporter.

    Et cela permet aussi de renouer avec l’écriture, enfin de retrouver le chemin d’un certain effort des mots, et le goût de raconter à nouveau, de faire partager, aussi.

    Mais le rapport au blog doit être très différent pour ceux qui écrivent de manière anonyme (comme moi) et ceux qui écrivent en étant à la vue de tous.

    laurent
    http://blog.laurent.eu.org

  5. 5 ans presque! Bravo à vous, moi je suis toujours fidèle à ce blogue.

  6. Je suis d’accord avec la conclusion vers laquelle pointe la réflexion ici. En effet, des fois je me dis qu’il va falloir que j’arrête de bloguer si je veux terminer le manuscrit que j’ai commencé. Bloguer empêche d’écrire!

    Même si je considère que bloguer devient de plus en plus un genre « littéraire » en soi. Ça peut devenir la création, l’oeuvre que l’on polit, je pense. J’ai déjà pris plus de trois heures à écrire un billet! Ouf!

  7. Merci, Martine, for all your kind words and for quoting and linking to my posts on this subject! And congratulations on your 5th anniversary! I think those of us who’ve been doing this a long time are more prone to question it from time to time. It’s somewhat early in the game but I think Caroline is correct – « le bloguer devient de plus en plus un genre ‘litterarie’ en soi » – but it’s not yet really recognized as such, and unlike the world of books there’s no filter (perceived or arbitrary!) that recognizes the better work – hit counts certainly don’t. I am going to keep at it and I hope you will too, because I think it’s exciting to be part of something that is still evolving, and which encourages writers to emerge and publish and speak about their lives and what matters to them – which is what writing ought to be about at its core, anyway! And its far more interesting to me to hear how long-term bloggers feel about the medium, rather than the media focus on the genre itself as something ephemeral and transient. That entry and exit is always going to be going on – like exercise or dieting or music or French lessons! But some will stick with it, and it’s those people who actually have the experience to comment thoughtfully, and who will drive what the medium becomes over the long term.

  8. Je crois qu’on assiste à un nouveau phénomène, initié par des gens comme toi. pour ma part, c’est très ado comme motivation; exister à quelque part…
    C’étais dans le temps une motivation de ceux qui voulais écrire…la postérité….la pérénité de nos idées. Probablement que pour des pro. de l’écriture, ca doit être différent, vous avez déjà cela.
    Il y a aussi un contact humain dépourvu des préjugés physiques dans plusieurs cas, la liberté de laisser une trace en commentant ou non, de participer à un débat, parfois un happenning.

Comments are closed.